Autrefois, il y a de cela onze cents ans, il existait à la place de ce marais, une immense forêt appelée Forêt de Sciscy. Ces marais sont inondés pensant huit mois dans l’année. Il n’est pas rare d’entendre dire que des animaux, des enfants et même des humains aient disparus dans ces frontières. La tradition nous apprend que cette forêt de Sciscy était d’une grande solitude, peuplée de bêtes sauvages dont on retrouve encore des fossiles.
Saint-Coulban, fameux ermite breton, quitta son pays et vint s’installer dans la forêt, à l’endroit même où nous sommes. Au fur et à mesure des années, des personnes voulurent habiter près de lui, et un village se construisit. Un grand village, et même une belle église s’éleva dans cette forêt. Les nouveaux habitants vivaient paisiblement au sein de la forêt, jusqu’à ce qu’une malédiction ne vienne troubler leur repos.
Des corbeaux arrivèrent par milliers et prirent possession des arbres qui entouraient la chapelle. Ces hôtes incommodèrent tellement les habitants du hameau qu’ils cherchèrent par tous les moyens de les chasser, mais inutilement. Il y en avait tellement que les humains, étourdis par leurs croassements, ne s’entendaient plus !
Et même lors de la messe, les croassements empêchaient le prêtre de faire son travail !
Ce jour-là, les gardiens qui étaient devant la chapelle s’endormirent devant. Les corbeaux en profitèrent alors pour s’engouffrer dans l’église ! Le prêtre alors excédé par ces corbeaux, dit à haute et intelligible voix : « Que maudits soient à jamais ces corbeaux ! ».
À l’instant même s’éleva une grande tempête ; un vent terrible souffla dans les branches des arbres, la charpente de l’église craqua, le clocher s’ébranla, et prêtre, église, habitants, village, forêt, tout disparut sous les flots qui envahirent cet immense espace dont on retrouve chaque jour des traces sous-marines.
Depuis ce temps, tout le monde entend le mugissement lugubre qui semble sortir du creux du marais ; on peut l’entendre à plus de deux lieues à la ronde ! Ce bruit, vraiment effroyable dans le silence de la nuit, est appelé le Beugle de Saint-Coulban.
Selon la tradition, ce beugle est le cri de détresse du pauvre prêtre, qui revient chaque nuit à la surface du marais, cherchant à finir sa messe.
Le jour où ce malheureux prêtre parviendra à prononcer distinctement Dominicum Vobiscum, foret, prêtre, village, tout reviendra à la surface. Mais hélas, depuis des siècles, il s’épuise en vain.
Quand le ciel est chargé d’orage, le bruit est plus fort et plus effrayant ; aussi, forge-t-on dans le pays mille contes sur le Marais de Saint-Coulban et son Beugle.


Voici l’oiseau à l’origine du « beugle » ou « bu » qui est le butor étoilé, un oiseau de la famille du héron qui ne vit que dans de grandes roselières.