Histoire des disparues du marais

C’était au commencement du printemps, en 1792. Il faisait beau temps et le Marais Noir de Saint-Coulban était encore inondé. Ma grand-mère était partie en barque, par un après-midi de dimanche, pour aller à Saint-Guinoux. Elle partait de Miniac-Morvan, et voulait traverser le marais en barque.

Ma grand-mère avait 40 ans à cette époque, elle était forte comme un bœuf et savait ramer comme un marin. Six jeunes filles du voisinage montaient avec elle. Il n’y avait aucun danger à courir, on n’avait pas entendu le « beugle » depuis plusieurs mois et elles disent :

« Nous serons de retour avant la nuit ! »

Elles partirent en chantant. Voilà que, vers le soir on commençait à s’inquiéter de ne pas les voir revenir et on entendit un cri vers le milieu du marais.

« Tiens » disent les uns « c’est peut-être le beugle, il y a longtemps qu’on ne l’avait pas entendu ».

« Ce n’est pas le beugle dit mon grand-père ! On dirait que ce sont plusieurs cris ! »

« Ce sont peut-être les femmes qui reviennent de Saint-Guinoux et qui s’amusent ! » disent alors les gens qui les entendaient.

« Elles n’ont pas l’air de se presser, il est 18 heures ! »

Mais la nuit arriva, pas de femmes. L’inquiétude grandit. Une dizaine d’hommes sautèrent dans les barques qui étaient chez eux, et se dirigèrent de tous les côtés du marais à la recherche des femmes.

On chercha une partie de la nuit, on chercha le lendemain et les jours suivants auprès de Saint-Guinoux, de Lillemer, on ne trouva ni femmes, ni barques.

Chaque jour on se remit à la recherche d’un indice pour les retrouver, rien ! Grande tristesse dans toutes les communes ! Et cette année-là, l’inondation du marais devait durer longtemps.

Les gens les croyaient disparues à jamais.

Enfin, le samedi suivant, on fit chanter à Miniac-Morvan une messe. Toutes les femmes et les enfants sont allés à la messe, et tous les hommes capables, sont encore partis à travers le marais pour les chercher. Et à un moment, ils ont découvert les sept femmes où l’eau était très profonde. Elles étaient toutes vivantes et les six jeunes filles étaient accrochées comme une grappe à ma grand’mère.